Sur la calligraphie - Qi Gong les rêves du papillon

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ARCHIVES AU FIL EMOTION

Regards sur la calligraphie


Extraits de "L'écriture poétique chinoise" et "Et le souffle devient signe" de François Cheng



L'exécution d'une calligraphie se rapproche de la danse. Un danseur se concentre en lui-même, mais sent instinctivement l'autre; il s'ajuste à son partenaire, par d'infimes décalages. Le pinceau danse avec les caractères ; il éprouve chacune de leurs variations. C'est le fruit de l'instinct et de la magie du travail cent fois repris, jusqu'à l'accomplissement.


Chaque caractère est un être d'encre; certains sont déliés, d'autres concentrés. Ils ont leur personnalité.

Le trait doit être intense, contrasté et, dans le même temps, équilibré; il atteint alors une authentique expressivité.



Mon trait est avant tout une vision intérieure. En cherchant la ligne de force qui anime les mouvements essentiels de la nature, le calligraphe ressent instinctivement la dynamique du vivant. Son pinceau est semblalble à un archet qui lui permet d'entrer en communion avec le chant des éléments.


Dans l'exécution, certes, je me laisse guider par une intention, mais le tracé se fait au fur et à mesure, toujours chargé d'inatendus et de surprises. Une oeuvre est réussie lorsqu'elle parvient à étonner - voir même à émerveiller - le calligraphe lui même.


La calligraphie est un art à plusieurs dimensions. Chaque planche propose un espace-temps où l'on revit le moindre tracé et participe au sens. L'artiste qui fait naître une présence d'encre est inséparable de celui qui médite devant elle.






Loin de l'ivresse de la passion désordonnée ou du mauvais alcool, les deux caractères (enivrante ivresse) nous invitent à l'ivresse physique, spirituelle et artistique, comme celle du grand maître de la dynastie des Tang,
Zhang Xu (VIIème siècle), qui inventa le style herbe folle en calligraphie ; un trait spontané, imprévisible et fulgurant. Dans le rythme du pinceau, l'ivresse affleure toujours. C'est une eau vive qui surgit du sol, s'enfonce sous la tavelure de mousse et jaillit de nouveau cent mètres plus loin. J'aime atteindre cet état où le corps cède à l'attraction céleste : le pinceau libéré capte néanmoins sans faille l'émotion la plus fugitive.


Calligraphie attribuée à Zhang Xu (Chang Hsu)
Période 713-740
Style "Herbe folle"
"Danseur tenant une épée scintillante tourbillonnant dans l'air sur un rythme musical. "

Toute oeuvre qui advient doit être l'image du Souffle primordial, qui jaillit et agit à partir du Vide Originel. La création étant continue, l'acte humain et l'acte divin étant d'un seul tenant, chacun de nous peut en réalité, à chaque instant, participer mentalement à la Création de l'Univers, comme au premier instant. Pour tendre vers cet élan, le calligraphe doit tenir le Vide et pas seulement le Plein. A son retour de Chine, Paul Claudel a écrit : "Le poème n'est pas fait de ces lettres que je plante comme des clous, mais du blanc qui reste sur le papier. " Le trait du calligraphe est une unité vivante, le Souffle est la promesse de la matière; le caractère est la visualisation du Souffle.

Le plus important pour un calligraphe est de maintenir un état de transe, une ivresse, tout en restant sous contrôile et sous tension.




Ce n'est pas un hasard si, en Chine, la calligraphie qui exalte la beauté visuelle des idéogrammes est devenue un art majeur.
En pratiquant cet art, tout Chinois retrouve le rythme de son être profond et entre en communion avec les éléments. A travers les traits signifiants, il se livre tout entier. Leurs pleins et leurs déliés, leurs rapports contrastés ou équilibrants lui permettent d'exprimer les multiples aspects de sa sensibilité : force et tendresse, élan et quiétude, tension et harmonie. En réalisant l'unité de chaque caractère, et l'équilibre entre les caractères, le calligraphie, tout en exprimant les choses, atteint sa propre unité.

Au cours d'une exécution, le signifié d'un texte n'est jamais tout à fait absent de l'esprit du calligraphie. Aussi le choix d'un texte n'est-il pas gratuit, ni indifférent. Les textes préférés des calligraphies sont sans doute les textes poétiques (vers, poème, prose poétique). Lorsqu'un calligraphie aborde un poème, il ne se limite pas à un simple acte de copie. En calligraphiant, il ressuscite tout le mouvement gestuel et toute la puissance imaginaire des signes. C'est une manière à lui de pénétrer dans la réalité profonde de chacun d'entre eux, d'épouser la cadence proprephysique du poème et, finalement, de le recréer.
Un autre type de textes, non moins incantatoires, attirent également les calligraphies : les textes sacrés. A travers eux, l'art calligraphique restitue aux signes leur fonction originelle, magique et sacrée. Les moines taoïstes voient l'efficacité des talismans (ou charmes) qu'ils tracent dans la qualité de leur calligraphie, qui assure la bonne communication avec l'au-delà. les fidèles bouddhistes croient pouvoir gagner des mérites en copiant les textes canoniques; les mérites seront d'autant plus grands que les textes seront mieux calligraphiés.


www.qigong-gard-vaucluse.fr
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